La néophobie alimentaire, c’est quoi ?
Votre enfant a toujours bien mangé et de tout, jusqu’à ses 2 ans environ et aujourd’hui vous vous sentez désemparé parce qu’il refuse de gouter tout ce que vous lui préparer avec amour ?
Il restreint son panel alimentaire, en refusant de manger des fruits ou des légumes ? Il réclame quasiment exclusivement des pates et de la viande ?
C’est une phase assez courante dans le développement de l’enfant, c’est la néophobie alimentaire.
Elle est généralement définie entre 2 ans et 11 ans, mais elle peut commencer plus tôt vers 18 mois et sa durée est très variable d’un enfant à l’autre.
Une chose est sure, l’attitude des parents face à l’alimentation et et le maintien du plaisir alimentaire, sera déterminant pour passer cette période le plus sereinement possible.
Comment repérer la néophobie alimentaire ?
La définition officielle de la néophobie, est la suivante :
Néophobie, nom féminin : Peur de tout ce qui est nouveau
La néophobie alimentaire chez les enfants, c’est un sentiment de peur qui s’installe face aux nouveautés alimentaires, et donc aux nouveaux aliments proposés. La principale peur des enfants est souvent de connaître une mauvaise expérience, en goutant quelque chose de nouveau.
Le terme de néophobie alimentaire a été utilisé pour la première fois par Paul Rozin, en 1976, pour décrire un ensemble de manifestations de suspicion à l’égard des aliments inconnus chez l’humain.
Pour savoir si votre enfant peut souffrir de néophobie alimentaire, je vous donne une liste de comportements qui peuvent vous mettre la puce à l’oreille. Comme toutes les informations que vous trouverez sur internet, ça ne fait pas office de diagnostic mais ça peut vous donner des pistes.
- Le tri des aliments mélangés
- Les grimaces devant une assiette
- Faire tourner les aliments dans tous les sens dans son assiette, sans les porter à la bouche
- Le refus de gouter un aliment qu’il mangeait jusqu’à maintenant sans problème
- Le refus de gouter un aliment nouveau
- Examiner sous toutes ses coutures un aliment
- Recracher
- Repousser l’assiette ou la cuillère
- Sentir l’aliment
- Détourner la tête
Les différents degrés de néophobie alimentaire
Il a été mis en évidence 3 degrés de néophobie alimentaire, 3 degrés si on ne tient pas compte du degré 0.
Le dégré 0 : certains enfants ne sont pas touchés par la néophobie alimentaire
Le degré 1 : Il regroupe les enfants qui demandent à gouter un plant avant de le consommer. On parle de néophobie alimentaire flexible.
Le degré 2 : Il regroupe les enfants qui ont besoin d’être fortement sollicités ou accompagnés pour gouter de nouveaux aliments. On parle de néophobie alimentaire rigide.
Le degré 3 : Il regroupe les enfants qui refusent catégoriquement tous les aliments nouveaux. On parle alors de néophobie « pathologique », mais ça ne représente qu’environ 6% des enfants de 2 à 10 ans.
Les causes de la néophobie alimentaire ?
Il n’existe pas aujourd’hui d’étude spécifique qui déterminerait la ou les causes du développement de la néophobie alimentaire chez les enfants.
Mais il y a plusieurs hypothèses qui reviennent souvent sur le devant de la scène :
- aux alentours de 2 ans l’enfant entre dans une période d’affirmation de soi, l’enfant va prendre de plus en plus de décisions le concernant et l’alimentation fait partie intégrante de son quotidien
- la recherche de sécurité peut aussi être un critère. Les aliments « copains » ne font pas peur, l’enfant sait à quoi s’attendre et il est sur de trouver du plaisir en mangeant. Avec des aliments nouveaux ou spéciaux, il peut avoir peur des sensations qu’il va ressentir au moment de les gouter
- l’alimentation des mois ou années précédentes pourrait aussi jouer un rôle important. Si l’enfant a toujours été habitué à manger des saveurs sucrées, et qu’il n’a pas été habitué à manger des saveurs « moins agréables » : amer, acide ou salé. Son panel de goût est moins développé et son attrait pour les nouveautés également
- Vers l’âge de 2 ans, l’enfant devient de plus en plus autonome. Il prend des décisions de plus en plus fréquemment et découvre que chaque décision a des conséquences. Si l’enfant développe son autonomie dans de nombreux domaines, il va être plus prudent dans d’autres domaines pour garder un niveau de sécurité acceptable dans son développement.
- Certains enfants peuvent refuser des aliments pour cause d’allergies ou de troubles digestifs. Parfois les allergies évoluent et les troubles digestifs ne se découvrent pas immédiatement, toutefois l’enfant ressent ce désagrément et l’a associé à l’ingestion de tel ou tel aliment, c’est pourquoi il refuse ensuite de le consommer.
Comment aider un enfant qui souffre de néophobie alimentaire ?
Comprendre et connaitre l’alimentation dans sa globalité n’est pas toujours une chose aisée.
L’alimentation ce n’est pas seulement avaler un aliment, c’est aussi une cheminement sensoriel, et pendant certaines périodes les enfants peuvent être plus ou moins sensibles.
Votre objectif en tant que parent accompagnant un enfant qui peut présenter des degrés différents de néophobie alimentaire, sera de maintenir le plaisir face à l’alimentation. On sait aujourd’hui que le jeu et l’enthousiasme sont les meilleurs moyens pour l’enfant d’avoir envie de s’investir dans une activité.
Il faudra retenir une chose importante : ne forcez pas un enfant à manger, ni même à gouter au risque de créer des blocages plus importants par la suite.
Je vous propose ici quelques pistes, toutes ne correspondront pas à votre situation et certaines auront besoin d’être davantage développé, toutefois ça vous donne un premier aperçu de ce qu’il est possible de faire.
- Adapter les morceaux aux besoins et aux possibilités sensorielles de l’enfant
- Trouver des activités qui mettent en avant les différents sens : odorat, gout, toucher.
J’aime beaucoup les boites mystères, ou bien les boites de tri. - Permettez à votre enfant, d’utiliser un langage adapté au moment présent, pour éviter un conditionnement précoce.
Si votre enfant vous dit qu’il n’aime pas un aliment, proposez lui de remplacer sa phrase par « je ne connais pas » - Accompagnez votre enfant étape par étape, avec des changements progressifs sur les textures, les gouts, et même les formes et les couleurs.
- Permettez à votre enfant de découvrir les aliments de manières diverses : avec les mains, en goutant puis recrachant, en sentant, en observant…
- Proposez autant de possible des aliments qu’il aime et qu’il connait avec des aliments qu’il aime moins ou qu’il ne connait pas, ça permettra à l’enfant de s’y habituer petit à petit et pourquoi pas d’y gouter un jour
- Vous pouvez aussi trouver et aménager des activités autour de l’alimentation, j’en ai crée et je propose des idées dans mes accompagnements pour permettre aux enfants de se familiariser avec l’alimentation dans sa globalité.
- Soyez un exemple pour vos enfants, ils ne pourraient pas comprendre que vous lui demandiez de manger des brocolis et des choux de Bruxelles si vous mangez vous, à la même table, un burger et des frites …
Qui consulter en cas de néophobie alimentaire ?
Si vous avez des doutes ou que vous vous posez des questions concernant le comportement alimentaire de votre enfant, n’hésitez pas à consulter votre pédiatre ou médecin généraliste, s’il est bien formé et que ces conseils sont bienveillants et respectueux du développement de l’enfant.
Le médecin pourra dans un premier temps vous rassurer ou votre proposer de consulter un spécialiste qui pourra vous accompagner. Il existe plusieurs spécialistes qui peuvent être formés pour accompagner la néophobie alimentaire des enfants :
les ergothérapeutes : les interventions en ergothérapie aident les enfants à mieux accepter les aliments. L’ergothérapeute peut aussi intervenir lors des repas en famille pour améliorer la dynamique à la période des repas. Souvent les ergothérapeutes utilisent des outils pour stimuler les sens des enfants : balles sensorielles, jeux des odeurs, vaisselle adaptée…
les orthophonistes : les orthophonistes vont échanger avec les parents et observer les enfants pour établir un diagnostic précis et commencer une rééducation si nécessaire
Les nutritionnistes : la diététicienne fait un état des lieux du mode de vie, du développement staturo-pondéral de l’enfant ainsi que de son histoire alimentaire depuis la naissance. Un bilan nutritionnel permet dans un premier temps de repérer de potentielles carences nutritionnelles et éventuellement d’autres problèmes associés aux troubles de l’oralité
Les psychomotriciens : dans le cas des troubles de l’oralité, le psychomotricien va tout d’abord travailler autour de la sensorialité : toucher, vue, odorat. Il abordera le goût quand il sentira l’enfant capable d’explorer avec sa bouche.
les psychologues spécialisés : certains psychologues spécialisés et selon l’âge des enfants des consultations peuvent être mises en place pour aider dans différents processus alimentaires.
Sources :
Thèse Processus développementaux impliqués dans l’évolution de la néophobie alimentaire chez le jeune enfant, par Virginie SOULET du 18/12/2018