Les VEO ou violences éducatives ordinaires
Les violences éducatives ordinaires peuvent être là tout au long de la vie
En France, il reste encore beaucoup de croyances qui gravitent autour de l’éducation des enfants, une éducation stricte pour des enfants respectueux en fait partie.
De plus en plus de scientifiques sont d’accord pour mettre en lumière que les pratiques de pédagogie « à l’ancienne » ne sont pas aussi bénéfiques qu’on voudrait nous le faire croire, et pire encore, qu’elles seraient délétère pour le bien être physique et psychologique.
Faisons la lumière sur les violences éducatives ordinaires qui sont un des pilier de cette éducation traditionnelle.
Les violences éducatives ordinaires concrètement
Sur la surface de la Terre, et depuis des millénaires aucun mammifères, à part l’homme, n’utilise de violence volontaire sur sa progéniture, dans une autre mesure que de l’écarter d’un danger quelconque.
C’est un comportement typiquement humain, totalement culturel et qui se perpétue par imitation.
Définition : violence educative ordinaire ou VEO
Il n’existe à ce jour, pas de définition, pure et dure des violences éducatives ordinaires, en tout cas pas de définition qu’on retrouverait dans les dictionnaires.
On peut quand même prendre le temps de définir le terme de violence, et ensuite se pencher sur la notion « educative ordinaire ».
Je trouve la définition de l’OMS particulièrement pertinente et percutante « l’utilisation intentionnelle de la force physique, de menaces à l’encontre des autres ou de soi-même, contre un groupe ou une communauté, qui entraîne ou risque fortement d’entraîner un traumatisme, des dommages psychologiques, des problèmes de développement ou un décès. »
Il est précisé que cette définition inclut tous les types et toutes les formes de violence : physique, sexuel, psychologique, verbal.
Les notions d’éducation et d’ordinaire, qui viennent s’ajouter à la violence, apportent des précisions quant à la nature de l’expression.
Le but : ces violences sont exercées dans un seul et unique but, l’éducation des enfants. Encore faudrait-il que cette manière d’éduquer soit justifiée ou justifiable.
La manière : le fait que ces violences éducatives soient ordinaires, montrent qu’elles sont acceptés par une grande majorité de la population et non remise en cause par cette même majorité. Aujourd’hui, il faut réussir à faire prendre conscience que ces violences ne sont pas normales et qu’elles ne doivent plus être acceptées.
La liste des violences éducatives ordinaires
Il n’existe pas de liste précise ni exhaustive de ce que sont les violences éducatives ordinaires ou VEO, mais vous pouvez retrouver des grandes catégories d’actions qui peuvent les caractériser.
Les violences physiques
- Lever la main sur un enfant, le pousser, le bousculer, lui tirer les oreilles, le secouer et tous les gestes qui font « mal »
- Les VEO autour de l’alimentation : forcer à manger, ou à l’inverser empêcher de manger ou boire, régler des horaires de repas sans prendre en compte les sensations de faim.
- Les VEO autour de l’hygiène : empêcher ou forcer un enfant à aller aux toilettes, conditionner un enfant à la continence alors qu’il n’est pas prêt
- Les VEO au quotidien : restreindre les mouvements d’un enfant volontairement, l’empêcher de sortir ou le priver d’une activité, forcer ou empêcher un enfant d’accéder au sommeil, punir et isoler volontairement un enfant
Les violences verbales et psychologiques
Malgré ce qu’on pourrait croire, les mots ont tout autant d’impact que les gestes.
- Utiliser sa voix pour intimider ou faire peur à l’enfant
- Humilier, rabaisser, insulter, se moquer, critiquer l’enfant et ses choix
- Mentir volontairement, menacer et faire du chantage
- Forcer un enfant à dire des choses qu’il ne souhaite pas, privilégier le fait de comprendre sa réticence
- Avoir des paroles dénigrantes sur l’enfant lui même ou des personnes de son entourage devant l’enfant
- Utiliser une position adultiste sans chercher à comprendre le besoin de l’enfant
- S’adresser à l’enfant en utilisant des mots rabaissants, avec des surnoms moqueurs ou stérotypants
- Le rejet ou l’indifférence envers un enfant
- Le non respect du consentement et/ou de l’intimité
Les « douces » violences
Certaines violences sont jugées moins graves, plus orientées « éducation » par une grande partie de la population. Malgré tout, la violence reste une violence, et il est important de savoir que répondre aux besoins d’un enfant ne le rendra JAMAIS mauvais, et ne fera pas de lui un enfant roi.
Encore trop souvent banalisées ces violences existent et rythment encore trop souvent le quotidien de nos enfants. Ce sont par exemple :
- Les jugements de valeurs
- Ne pas respecter de le rythme de l’enfant, le presser, faire à sa place ou lui montrer qu’il n’est pas à la hauteur de ce qui est attendu
- Contraindre les gestes et mouvement des enfants par du matériel (lit à barreau / parcs / chaise haute) alors qu’ils souhaitent se mouvoir
- Les gestes maladroits et les paroles blessantes, volontaires et sans excuses ou discussion par la suite.
Les VEO en France
« En France aujourd’hui on estime que 85% des enfants subissent encore des VEO »
Selon Catherine Gueguen, en France aujourd’hui on estime que 85% des enfants subissent encore des VEO. On estime qu’un enfant sur deux est frappé avant l’âge de 2 ans et les 3/4 avant l’âge de 5 ans. Ces chiffres sont édifiants et pourtant encore trop de parents trouvent ça « normal ».
Dans ces chiffres les violences psychologiques n’apparaissent pas, et elles sont pourtant, tout aussi importantes à prendre en compte : humiliations, paroles dévalorisantes et blessantes, ont un impact et non des moindres.
Après de nombreuses années de « combat » acharné pour de nombreuses associations qui luttent contre les châtiments corporels sur les enfants, et au sens large, pour les droits des enfants, en juillet 2019 la France devient (enfin) pays abolitioniste.
Quasiment 40 ans, jours pour jours, après la Suède, la France inscrit dans le Code civil français que les enfants peuvent bénéficier des mêmes droits que tout autre individu sur le sol français.
Les modifications apportées sont les suivantes:
- Article 1er : un alinéa a été ajouté « L’autorité parentale s’exerce sans violences physiques ou psychologiques. »
- Article 1er bis : un alinéa a été ajouté, en indiquant « , à la prévention des violences éducatives ordinaires ».
Les VEO dans le reste du monde
En 2020, environ soixante pays ont interdit les punitions corporelles sur les enfants. C’est bien mais encore trop peu (pour rappel, on compte 193 états dans le monde). Une trentaine de ces pays sont des pays européens.
En plus le vote d’une loi visant l’abolition ne veut pas forcément dire que des mesures ont été mises en place pour l’application de cette loi. Il y a encore du chemin à parcourir, mais c’est un début et les efforts de chacun sont nécessaires, pour que l’évolution se fasse rapidement et en faveur des enfants.
Quelques extraits des législations des pays abolitionnistes :
- La Suède est le tout premier pays a avoir aboli les châtiments corporels contre les enfants, dès 1957 des démarches en ce sens ont été entreprises, et en 1979 l’interdiction était définitivement inscrite dans le code de parentalité et de tutelle. Il était inscrit que « les enfants ont droit à l’assistance, à la sécurité et à une bonne éducation. Ils doivent être traités dans le respect de leur personne et de leur individualité et ne peuvent être soumis à un châtiment corporel ou à tout autre traitement humiliant. » (Source : Conseil de l’Europe)«
- Quelques années après, la Finlande a à son tour interdit les châtiments corporels sur les enfants, cette interdiction s’inscrivait dans une loi globale sur la protection de l’enfance. Il a été indiqué que » l’enfant doit être élevé dans un esprit de compréhension, de sécurité et d’amour. Il ne doit pas être assujetti, soumis à des punitions corporelles ou humilié de quelque autre façon. Il doit être encouragé, soutenu et aidé afin de devenir un adulte indépendant et responsable. »
- C’est ensuite au tour de l’Autriche, puis de Chypre, le Danemark, la Lettonie et la Croatie.
7 pays ont abolis les châtiments corporels mais aussi très souvent psychologiques envers les enfants avant les années 2000.
Les VEO : quels impacts sur les enfants ?
Les violences éducatives ordinaires ont un impact sur l’évolution à la fois physique et psychologique de chaque individu, à des degrés et dans des mesures différentes. Mais ces violences joue un rôle sur la dimension physique par le développement de certaines pathologies, par le dérèglement du métabolisme ou de l’horloge interne, et sur la dimension psychologique par le développement de certaines addictions et par la reproduction de certains schémas notamment.
Les impacts sur les enfants pendant l’enfance
Au cours de leur développement les enfants ont besoin d’être accompagnés dans tous les domaines de la vie. Les bébés humains, ne peuvent et ne savent survivre seuls, ils ont un besoin constant d’attention, d’affection et d’aide pour leur survie. C’est notre rôle de parent que de devenir leur guide jusqu’à ce qu’ils puissent naviguer seuls.
Je me suis beaucoup intéressée à la pédagogie Montessori, car elle mettait l’enfant au centre des attentions, comme d’autres pédagogies dites alternatives.
Les enfants trop souvent confrontés aux VEO vont devoir élaborer des schémas de défense pour survivre sans être trop durement ébranlé par la situation. Il existe plusieurs possibilités, entre autres :
- L’attaque
- La fuite
- Et la paralysie
Les enfants n’auront pas d’autres choix que de trouver des stratégies pour éviter d’être trop impactés par ces gestes, ces mots ou ces actes qui les rendent triste.
On pourra observer des enfants se renfermer sur eux même, d’autres enfants pourront au contraire développer une certaine agressivité qui ne paraitrait pas justifiée, pour d’autres encore ce seront des paroles dures qu’ils prononceront.
Les VEO peuvent avoir des conséquences graves sur les enfants, et peuvent pour certains, induire des comportements à risque. Il n’est pas impossible de voir des comportements se développer :
- Une certaine agressivité physique ou verbale
- Un manque de considération pour les choses qui l’entoure
- Une baisse de confiance en soi et/ou d’estime de soi
- La peur des autres
- Le développement d’addictions de toutes sortes
- Le repli sur soi
- Une difficulté à comprendre et accompagner ses émotions
Les répercussions à l’âge adulte
A l’âge adulte les conséquences sont quasiment les même que pour les enfants.
La grande différence résidera dans le fait que ces comportements seront très souvent automatisé chez les personnes qui les ont subis, et sans une prise de conscience particulière, il y a de forts risques que ces comportements soient répétés involontairement à l’âge adulte sur d’autres enfants.
Pour se protéger d’une douleur trop forte, le corps et le cerveau vont devoir trouver une explication « logique » à ce qui leur ai arrivé pendant leur enfance. L’explication la plus « facile » est celle de se dire, si je l’ai vécu c’est que c’est normal.
« Si je l’ai vécu, c’est que c’est normal, c’est comme ça que ça doit se passer »
Vous comprendrez alors assez facilement comme se développe la reproduction de schémas.
Les adultes qui ont subis des VEO pendant leur enfance sont souvent (pas toujours) des adultes qui peuvent :
- Montrer une grande force malgré un sentiment de peur constant à l’intérieur
- Manquer de confiance en eux
- Penser qu’il faut être le meilleur, le plus fort et écraser les autres pour réussir
- Soutenir que chaque enfant doit être corrigé lorsqu’il fait une erreur
- Développer des addictions plus ou moins fortes : alcool, tabac, nourriture, réseaux sociaux, jeux vidéos…
- Ne pas réussir à lâcher prise sur leur quotidien : foyer, couple, enfant
- Ne pas comprendre que certaines personnes n’acceptent pas la violence envers les enfants
Je vous rassure, rien n’est définitif et tout peut être réappris. Si vous avez l’impression de reproduire des schémas induits, indépendamment de votre volonté, que vous aimeriez faire autrement sans pouvoir y parvenir, n’hésitez pas à vous rapprocher d’un professionnel pour vous accompagner dans ce processus, qui je vous l’assure pourra changer littéralement votre vie.
Les VEO : impacts sur une lignée entière
A la fin de l’année 2011, une étude a été publiée dans le Translational Psychiatry indiquant que les traumatismes subis au cours d’une vie peuvent modifier le génome et donc se transmettre aux générations suivantes.
L’étude porte sur une analyse de 3 générations, mais il est possible que la transmission se fasse sur des périodes bien plus importantes.
Les traumatismes étudiés peuvent être de la maltraitance, des négligences physiques, des négligences psychologiques ou bien es abus sexuels). La modification du génome va se faire ainsi : le traumatisme va être inscrit dans le génome par des modifications épigénétiques des gènes récepteurs.
L’étude montre qu’il y a une corrélation directe entre le nombre et la gravité des actes subis, mais aussi que les traumatismes peuvent être ancrés sans avoir été vécus.
L’étude a mis en lumière l’histoire d’une petite fille, sa grand mère a été violée par son père pendant son enfance. Cette petite fille, donc la 3e génération, qui elle même n’a jamais été violée, porte les mêmes modifications épigénétiques que sa grand mère, et que sa mère, mais plus étonnant, elle est celle qui a la plus grande cicatrice dans le génome de toutes ses cellules.
Alors qu’elle n’a jamais été violée, elle est celle qui a la plus grande cicatrice dans son ADN
Arrêter avec les violences éducatives ordinaires
Avoir recours aux VEO n’est pas une fatalité. Ce sont très souvent des automatismes ancrés, par la répétition d’actes subis, par la vision ou l’audition répétées de ces actes et par une banalisation systémiques des violences même « minimes » faites aux enfants.
Une étude menée par l’OVEO a mis en évidence les principaux facteurs qui poussent à recourir aux VEO :
- La fatigue
- Les difficultés extérieures générant du stress (travail, couple, maladie, décès…)
- Le manque de temps pour soi
- Sa propre éducation (répétition des schémas acquis)
- La difficulté à comprendre le comportement de l’enfant
- Le manque de soutien
Etude OVEO – Les causes de la violence et soutien
Notre passé et nos conditionnements
Les adultes qui utilisent les VEO le font par manque de connaissances: aussi bien sur le fonctionnement cérébral humain que sur les conséquences de leurs actes.
Je suis persuadée que plus ces informations circuleront et plus les parents prendront conscience que leurs actes ont des conséquences. Ensuite bien évidemment, chacun est libre de continuer ou non, mais ce sera un décision prise en pleine conscience.
Les parents qui utilisent les VEO reproduisent simplement ce qu’ils ont subi, sans forcément y réfléchir et surtout en ne voulant pas remettre en cause les méthodes utilisées par leurs propres parents. Parce que c’est vrai, c’est pas facile de se confronter au passé, d’accepter que l’on a pu subir des choses pas très agréables et que ce sont nos parents les responsables. Oui, mais, il faut aussi se remettre dans le contexte. Tout ce que nous savons aujourd’hui, nos parents ne le savaient pas. Et s’ils ne le savaient pas ils ne pouvaient pas l’appliquer. A aucun moment, prendre conscience de notre passé est fait pour accuser quelqu’un. Je suis persuadée que chaque parent fait du mieux qu’il peut avec les informations qu’il a, et c’est pareil pour nos propres parents. Ils ont fait de leur mieux avec les connaissances de leur époque.
Les parents qui utilisent les VEO ne sont pas assez informés sur les conséquences que ça peut avoir sur le développement de l’enfant.
Les effets ne sont pas immédiats, et le rapport de cause à effet ne se fait donc pas immédiatement. Mais les effets sont réels, et aujourd’hui prouvés. L’enfant sera perturbé tout au long de sa vie, dans sa manière de vivre, dans ses relations aux autres, dans sa capacité à s’épanouir et à mener une existence comme il aimerait.
Nous savons maintenant que les paroles blessantes, dévalorisantes, les punitions, les menaces, l’exclusion, les gestes brutaux, comme bousculer, tirer les cheveux, les oreilles, gifler, tout cela peut entraîner des anomalies cérébrales dans des parties importantes du cerveau de l’enfant et provoquer de nombreux troubles du comportement : agressivité, anxiété, dépression et plus tard des risques de délinquance, d’addictions à l’alcool, aux drogues, des suicides. Les études ne laissent aucun doute sur ces conséquences graves.
Les solutions pour arrêter les VEO
L’étude de l’OVEO sur les causes de la violence et les soutiens, a mis en évidence qu’il existait plusieurs moyens jugés comme efficaces par les répondants pour apporter de l’aide et sortir du cycle des VEO.
- Les formations, il existe plusieurs types de formations : des formations pour apprendre et comprendre le développement cognitif de l’enfant, pour mettre en place une parentalité sans VEO…
C’est dans ce cadre là, que j’ai créer la formation MINO qui s’adresse à toutes les mamans qui souhaitent mieux comprendre leurs enfants, en finir avec les VEO automatiques et pouvoir profiter de leur rôle de maman bien plus sereinement.
- Les aides psychologiques individuelles, certains traumatismes méritent une prise en charge globale et complète et de nombreux spécialistes peuvent vous accompagner dans cette démarche.
- Les groupes de discussion entre parents, de plus en plus de cercles voient le jour parce qu’il est évident que parler avec des personnes qui partagent le même point de vue, la même vision de la parentalité que vous, ça va vous motiver et vous aider à aller de l’avant. Vous vous rendrez compte aussi que ce n’est pas tout rose comme certains voudraient le faire croire, que tout le monde rencontre des difficultés et les partager ça permet de relativiser.
D’autres idées que je développe dans la formation MINO pour se défaire des VEO :
- Toujours se poser la question de ce qu’on veut vraiment
- Trouver des solutions alternatives
- Se rendre compte que l’énervement est contagieux
- Se recentrer sur soi pour limiter le stress
Source : oveo.org, l’observatoire de la violence educative ordinaire